Cours de Khmer. Entre incompréhension et situation loufoque

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Ce matin là, je me fais réveiller à 5h00 par la musique d’une cérémonie qui se prépare. Couchée tard, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je suis fatiguée. Ni une ni deux, je décide de quitter la ville de Kratie et de me rendre à Siem Reap. Mon sac bouclé, il est à peine 5h30 du matin. Je veux aller déjeuner au marché mais la cage d’escalier de la guesthouse est fermée à clé par une grille. Entre ma chambre et la cage d’escalier, cette guesthouse avait tout l’air d’une prison. Je suis énervée, bien que j’apprécie la sécurité de la guesthouse. Finalement après mainte va et viens, la patronne, les cheveux encore tout ébouriffés et les yeux tous gonflés vient me libérer.

 

Dehors, le marché commence à peine à se mettre en place et les gens portent un regard curieux sur l’insomniaque que je suis. J’achète des fruits et quelques douceurs Cambodgiennes pour mon petit déjeuner et pour la journée.

 

Et me voilà partie à la station de bus, sans trop savoir comment j’arriverais à Siem Reap. Là, un beau jeune homme, me vend un ticket de bus pour Siem Reap, en m’expliquant dans un a anglais moyen que je dois changer de bus à Skuon. Je m’étais déjà arrêté à Skuon lorsque je montais dans le Mondolkiri. Donc pas de problème, je maîtrise l’endroit et je monte tranquillement dans le bus pour Phnom Penh. En plus, le beau jeune homme qui vend les tickets reste dans le bus, ce qui me rassure. Mais ce qui me rassurera moins, c’est qu’il descendra juste avant Skuon.

 

Arriver à Skuon. Arrêt pipi et déjeuner. Je descend du bus et vais voir le chauffeur pour qu’il me donne mon sac. Mais il ne fait que m’ignorer, préoccupé à donner un coup de jet d’eau à son bus. Tout en me débarrassant le plus aimablement possible des gamins qui me tombent dessus pour me vendre araignée, mangues et mets en tous genre, j’essai de m’imposer devant le chauffeur de bus et de lui expliquer que je vais à Siem Reap, que je dois changer de bus, et qu’il ouvre la soute à bagage pour que je récupère mon sac. Il daigne enfin me regarder, et me baragouine un truc dont le seul mot que je comprend est Phnom Penh.

 

La tension monte. Le chauffeur va chercher un traducteur. Alors un serveur vient me parler tout gentiment en m’expliquant que le bus pour Siem Reap arrivera beaucoup plus tard et que plutôt que de l’attendre à Skuon, nous le croiserions sur la route, et je changerais en chemin…..

 

AH NON NON…mais c’est quoi ce délire. En bonne occidentale, je m’énerve encore plus, et le chauffeur fini par me balancer mon sac.

 

Soulagée, je m’installe avec mon sac à une table et commande un café glacé. Enfin je respire ! A peine mon café servi, le chauffeur de bus pour Phnom Penh mets le moteur en marche, klaxonne et hurle après moi comme on hurle après à un troupeau de brebis qu’on veut faire rentrer dans la grange. Je me retourne, et il me fait méchamment signe de remonter dans le bus.

 

Un rapide coup d’œil dans le restaurant et je repère mon interprète qui me dit de monter et que je changerais en route (et en gros de pas faire suerr). Faut dire que j’étais quand même la seule touriste à attendre ce bus pour Siem Reap.

 

Bref, je me résigne à monter à la grande surprise des Suisses à qui j’avais raconté mon épopée, et qui n’en finissent pas de me charrier. Le bus roule et nous ne sommes plus qu’à 40km de PP. Je scrute la route pour voir si nous croisons un bus. Rien. Je suis très énervée.

 

La petite vieille assise à coté de moi qui sent ma crispation m’offre une sorte d’artichaut dont il faut sortir des graines vertes à manger une fois la peau sortie. Ce truc est absolument infâme, mais je ne peux quand même pas le lui cracher à la figure ou lui rendre son artichaut. Alors, je me force à manger avec parcimonie ces choses immondes, vu que je n’ai même pas une poche plastique dans laquelle les cracher en douce.

 

Mais voilà qu’on croise un bus tout pourri sur la route. Le bus ralentie, appels de phare, coups de klaxons et le chauffeur se met à hurler. Je comprend que c’est pour moi. Tout le bus me regarde, et après avoir salué la petite vieille, je parcours l’allée à grandes enjambée, mon artichaut à la main. Le chauffeur ne s’est toujours pas arrêté et continue à rouler à très faible allure. Je descend en marche, un type me balance mon sac, et le sympathique chauffeur  repars à vive allure.

 

Me voilà au bord de la route, dans un bled paumé au milieu de rien, sous une chaleur accablante, mon sac sur l’épaule, mon artichaut à la main. De l’autre coté de la route, un tas de taule, qu’ils appèlent un bus, blindé de Cambodgiens, attend le moteur en marche. Stoïque, je traverse la route vers l’autre bus. Je passe la tête par la porte, et le chauffeur, un Chinois, n’a pas l’air très content de m’accueillir. J'étais pourtant charmante, un artichaut entre les mains pour le remercier de s'être arrêté. Il descend de son bus, une petite chaise à la main qu’il pose sur le bord de la route, et me baragouine quelque chose d’incompréhensible, tout en me montrant la chaise.

 

Voyant le bus bondé, mon sang ne fait qu’un tour, et je hurle sur le chauffeur qu’il est hors de question que je reste sur cette chaise où mes fesses ne rentrent même pas, au bord de la route, un artichaut à la main, dans ce bled paumé, en attendant que vienne un autre bus (qui ne viendrais sûrement jamais). Je lui met sous le nez mon billet de Siem Reap et me positionne devant la porte du bus pour ne pas qu’il monte. Il s’énerve, toujours en me montrant cette chaise sur le bord de la route. Je m’énerve encore plus (en sachant qu’on m’avait bien mise en garde qu’il ne fallait jamais faire perdre la face à un Asiatique…mais je m’en fichais pas mal). Il s’en suit 5 minutes de dialogue de sourd. Lui baragouinant et me montrant la chaise et prononçant par moment Siem Reap, et moi, baragouinant, montrant le bus et hurlant Siem Reap.

 

Après des coups de téléphones passés sûrement pour dire qu’une emmerdeuse de touriste l’empêchait de repartir, le Chinois me montre la chaise…..puis le bus ! De suite je comprends que cela faisait 10 minutes qu’il expliquait que le bus était plein, et que je devrais m’asseoir sur la chaise dans le couloir. Avec un large sourire à l’Asiatique, je m’incline, acquiesce, et m’exécute.

 

Mes fesses rentrent à peine dans cette chaise spéciale petits fesses de Cambodgiens. Mais au moins, je suis dans le bus, pour Siem Reap je l’espère. Un coup d’œil rapide dans le bus. Pas un touriste en vue !!!

 

Assise sur la chaise, je me mets à prier ma bonne étoile, les mains jointes sur l’artichaut que je donnerais à un gamin au regard envieux. Sur le trajet, je remarquerais que le bus n’est même pas passé à Skuon.

 

Malgré l’inconfort, et la chaleur je m’endors sur ma chaise jusqu’ à ce que le bus s’arrête. Arrêt déjeuner dans l’endroit du Cambodge à la plus grande concentration de mouches. Une horreur. Tout le monde se précipite vers les toilettes, et par instinct grégaire et surtout ayant une grosse envie je les suits. Les toilettes vont tout à fait avec le décor de ce repaire. Une simple battisse en ciment. J’ouvre la porte, et cherche les toilettes. Pas de toilettes. Seulement un grand puit d’eau en arrière plan. Mais je sens que je patauge. Mon regard se baisse sur mes pieds qui baignent dans la pisse des précédents. Charmant. Juste un petit trou qui ne suffit pas à évacuer les litres d’urine déversés par tous les voyageurs. Mais rien pour poser ses fesses ou surélever les pieds. L’urgence faisant, je m’exécute encore une fois, et urine sur le ciment ajoutant du volume à cette grosse flaque, tout en me bouchant le nez. Situation pittoresque et pas très confortable. Heureusement, je n’avais plus l’artichaut à la main, ce qui me permettait de tenir mon pantalon remonté au niveau des genoux. Le suivant ira patauger de la même façon. Lavage de mains et de pieds s’imposent à la sortie, mais ne suffisent pas à faire fuir les mouches.

 

En compagnie des mouches, je mange ma mangue, et partage une cigarette avec un vieux.

 

Sur la suite du trajet, les gamins trop rassasiés vomissent et transpirent tout ce qu’ils peuvent, alors que les vieilles mâchent leur bétel rouge, qu’elles crachent une fois bien mâché, et qui donne l’impression qu’elles crachent du sang de leur bouche. Scènes typiques dans les bus au Cambodge.

 

Arrivée à Siem Reap à la tombée de la nuit. Je suis épuisée. Mais l’épopée ne s’arrêtera pas là. Je devrais affronter une trentaine de chauffeurs de tuktuk qui me tombent dessus et parcourir plusieurs guesthouse avant qu’on daigne m’accorder un matelas dans un dortoir sous un toit !

 

 

Publié dans Cambodge

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C
heureusement les voyages au Cambodge ne sont pas toujours aussi compliqués. en tout cas merci pour ce récis !( suivre l'actualité du Cambodge sur : http://www.netvibes.com/cambodia )
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A
du VTT sur l'île de Sainte-Marie? bon, je vous attendrai sagement au bord de l'eau, une THB pour me désaltérer et le sudoku pour me tenir éveillée... 
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P
Oui d'ailleurs j'ai commencé à potasser le guide pour Mada......et j'ai une grande envie d'aventure......à VTT...Alors partante Anne Marie eheheh...ça fera des choses à raconter à ton retour!
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A
on s'y croyait : les mouches, les pieds qui pataugent, l'odeur...l'incompréhension de part et d'autre!!!! y a des moments joyeux comme ça dans les voyages!!! après coup, c'est très drole.
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P
Un transat à la limite, je veux bien ou alors un fauteil de grand patron de compagnie...ça fait classe au bord de la route...avec un cigare.Non mais tu vas voir ce qui t'attend en Islande toi.  Oublie pas ton traducteur simultnané. 
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